De l'amour tarifé au don d'amour. Intimité et sexualité entre filles qui "sortent" et garçons de la diaspora marocaine

Si la question matrimoniale dans le cadre de la circulation migratoire a été analysée, peu d’études ont abordé les relations en dehors du mariage que des jeunes issus des minorités en Europe développent avec des jeunes femmes provenant et vivant dans le pays d’origine de leurs parents. L’intensification des liens entre la diaspora marocaine et son pays d’origine offre un terrain d’étude, sans cesse renouvelé, pour la compréhension des interactions intimes et des expériences sexuelles transnationales à l’œuvre. Les personnes circulantes, à savoir les migrants mais aussi les personnes issues de l’immigration et animant le tourisme diasporique, participent de la transformation de l’intimité au Maroc. Cette transformation a lieu grâce aux travail des interactions. En interagissant, selon leurs propres conceptions culturelles de l’amour et de la sexualité développées dans leurs pays et communauté de vie en Europe, avec les conceptions locales qu’ils découvrent ou fantasment, ils contribuent à la création d’un des multiples paysages intimes marocains. En analysant les relations intimes de certains hommes transnationaux avec des filles qui « sortent » (engagées dans des pratiques prostitutionnelles), il s’agit dans cet article de voir comment les normes des échanges entre les sexes au Maroc est comprise par ces hommes. L’attention sera portée essentiellement sur les significations et la requalification du don masculin. Approché du point de vue du sortir, c’est-à-dire là où il est le plus exacerbé, l’échange matériel entre les sexes éclaire sur les dynamiques intimes à l’œuvre au Maroc et auxquelles essaient de s’adapter hommes et femmes. La requalification des dons au sein de relations qui ont émergées dans un cadre prostitutionnel, s’inscrit dans un processus plus large de transformation de l’intimité où les rapports entre les sexes sont de plus en plus déconnectés des mises en couple contrôlées par la famille, la culture et la communauté. C’est sur cet espace bouleversé que les transnationaux construisent aussi leur identité intime